Dieu présent dans nos vies...

11 mars 2023

   Il est midi quand la Samaritaine vient puiser de l’eau au puits de Jacob. Dans ces pays pourtant, les femmes viennent au puits en groupe, tôt le matin, à la fraîche. Elle semble être au ban du groupe, excommuniée. Cela très probablement en raison de ses amours. Elle a eu cinq maris, elle vit avec un sixième homme… Le septième sera le bon ! Mais elle vit : loin d’être écrasée, elle ne garde pas sa langue dans sa poche, elle interpelle cet homme, ce juif, qui lui demande à boire. Elle ne comprend pas tout à fait les réponses, les questions de Jésus, mais elle entre en relation, ne se dérobe pas, et pose des questions à son tour : « Dieu, où est-il présent ? Ici sur le Garizim, ou à Jérusalem ? Le messie, quand viendra-t-il ? » — « Je le suis, moi qui te parle. » 

   Dès lors, elle n’est plus une étrangère, une rejetée. Elle devient apôtre auprès de sa communauté. Elle confesse l’amour dont elle vient de bénéficier sur son péché : « Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait. Ne serait-il pas le Messie ? » Et, à la fin de la péricope, elle reçoit le plus beau des témoignages, l’idéal du missionnaire, de l’accompagnateur, du témoin : « Ce n’est plus seulement à cause de tes dires que nous croyons ; nous l’avons entendu nous-mêmes et nous savons qu’il est vraiment le Sauveur du monde. » 

  La Samaritaine s’est révélée une femme de foi. Certes, elle n’en a pas conscience. Apparemment, elle lutte pour survivre, pour affronter un quotidien difficile, l’échec de ses amours, l’hostilité de sa communauté, elle qui appartient à une minorité méprisée. Sa foi est de mettre un pas devant l’autre, d’accepter de ne pas avoir la réponse à ses questions, mais de rester ouverte à l’étranger, à l’autre et Tout Autre. Et c’est elle que Jésus choisit comme apôtre, tout comme Dieu a choisi le peuple juif et l’Église pour devenir son témoin dans le monde : Confesser Dieu en se confessant pécheur, devenir un peuple qui porte la question de sa présence, de son action, en confessant un Dieu à l’œuvre au désert, en exil, face à un risque réel de disparition et de mort. 

   Être chrétien, c’est cela : demander à Dieu comment il peut accepter en son Fils de mourir pour nous, témoigner devant les hommes du pardon dont nous bénéficions les premiers, jusqu’à s’effacer pour permettre à chacun, à chaque peuple de faire lui-même sa propre expérience de Dieu. St Paul ne dit pas autre chose aux Romains. 

   Et nous, où sommes-nous ? A qui nous identifions-nous ? Aux apôtres, étonnés, pour ne pas dire scandalisés, que Jésus parle avec une femme, une Samaritaine, une pécheresse… ? A la Samaritaine, étonnée que Dieu s’intéresse à elle, puisse l’aimer, lui confier une mission ? Aux Samaritains qui accueillent le témoignage de cette femme et font eux-mêmes et personnellement l’expérience de Jésus, « sauveur du monde » ? A Jésus qui avait mystérieusement et providentiellement rendez-vous avec cette femme, dont il fait un témoin, une apôtre ? Dans notre vie, dans ses épreuves bien réelles, « Dieu est-il présent, oui ou non ? »

Abbé F. Fermanel