Se risquer à exister

17 août 2025

   Il est des moments dans la vie où l’on se retrouve dans une citerne. Dans la Bible, la situation s’est produite pour Joseph, abandonné là par ses frères. Ici c’est au tour de Jérémie d’expérimenter cette forme particulière de solitude et de désespoir. Certes, la citerne est vide. Il ne reste qu’un peu d’eau qui transforme en boue la terre ferme. Se retrouver dans une citerne est une situation paradoxale. Construite pour accueillir une eau qui assure la vie, elle devient une prison, le lieu d’une exclusion radicale. Aucune communication n’est possible, aucun lien, aucune - fenêtre, aucune ouverture. Une citerne est une tombe où on est enterré vivant. On ne sort jamais de là par ses propres moyens. Il faut un Ébed- Mélek, Éthiopien, donc étranger, pour sortir de ce piège. Quelqu’un connaît la situation et prend des risques en se faisant le porte-parole de celui que l’on n’entend ni ne voit plus.

   Ébed-Mélek n’accepte pas la situation et dénonce le sort réservé à Jérémie. Ce faisant, il lui sauve la vie. La Bible fait le récit de ces femmes comme Esther ou de ces hommes qui se trouvent au bon endroit au bon moment et qui permettent à des situations inextricables de basculer. Chacun de nous peut un jour être amené à jouer ce rôle, de façon spontanée ou avec réticence. Mais la Bible raconte aussi combien, à notre tour, nous pouvons nous retrouver bloqués dans telle ou telle citerne et craindre d’y perdre la vie. Que ce soit au nom de problématiques familiales ou de prises de décision politiques, on ne passe pas une existence sans cette exclusion qui nous coupe de toutes perspectives de vie ou d’avenir, ou du moins d’une place dans un groupe. Il faut alors être parfaitement certain que Dieu, dès lors, se met en recherche de la personne adéquate pour trouver une échelle et mettre un terme à la situation.

Marie-Laure Durand, bibliste, Prions en Église